n°140 - 11 Juillet 2016
REPERES
Table ronde n°2 : La donnée, vecteur de l’économie circulaire
Sylvain JOANNON
Vice-président de la FNADE
Cette vision d’avenir présentée par Vincent Callebaut me questionne sur les données. Il nous faut absolument travailler dessus, trouver notre articulation dans ce nouveau monde. Nous devons devenir des accélérateurs des changements de la filière. La FNADE jouera là un rôle central.
La question des données ne concerne pas que les entreprises, mais aussi les collectivités, les industriels et les consommateurs. A l’avenir, la donnée viendra aussi de l’usager lui-même.
Matthieu ORPHELIN
Directeur économie circulaire et déchets, ADEME
L’ADEME, de son côté, accompagne les initiatives pour le recyclage. Nous avons des outils pour monitorer les points de collecte, signaler les dépôts sauvages etc. Il faut désormais les exploiter plus encore, par exemple les données collectées dans un système de tarification incitative, pour être plus précis dans nos analyses et mettre en place des actions de pédagogie pour améliorer le comportement des citoyens.
Il est capital de changer les comportements des citoyens, mais aussi de l’entreprise pour accélérer la boucle circulaire. Les données sont un outil essentiel pour cela.
Elodie JUPIN
Manager du programme Restart de Tarkett
Le programme Restart est basé sur la logique cradle to cradle (du berceau au berceau) et l’éco-conception des produits en pvc.
Chez Tarkett, nous produisons principalement des revêtements de sols, qui sont posés par des entreprises. La pose génère 8 à 10 % de perte soit, ramené à notre production quotidienne, l’équivalent de 200 terrains de football. Cette perte de produit, dès lors qu’elle est éco-conçue, a de la valeur pour nous, et nous souhaitons la récupérer.
Nous travaillons dans ce sens avec nos partenaires que sont les entreprises de pose, et les organismes de collecte sur les chantiers et qui vont trier ces ressources et les rapatrier sur des centres de production. Les données sont essentielles pour partager les bonnes pratiques avec les entreprises de pose.
Yves BOURQUARD
Président de la FAMAD
Au syndicat des fabricants de matériels pour la gestion des déchets (FAMAD), notre intérêt pour l’économie circulaire nous amène à rechercher, dans nos modes de fabrication, des alternatives au pétrole. Après beaucoup d’investissements, nous arrivons à produire des bacs de collecte à base de produits recyclés et qui sont meilleurs marchés.
Le numérique, à travers le puçage des appareils, nous permet aussi d’optimiser les tournées. Mais la question reste toujours l’usage de cette donnée. Notre position est de la faire plutôt remonter au collecteur qui va savoir optimiser sa performance de tournée de collecte.
François VILLEREZ
Chef du bureau éco-industries et développement industriel durable au Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique (MEIN)
L’économie circulaire est une nouvelle façon de produire, de repenser l’industrie à l’aune de ce nouveau prisme. Au MEIN, nous encourageons l’investissement par les filières elles-mêmes. Notre stratégie d’économie circulaire et d’optimisation des ressources est en cours de développement. La loi de transition énergétique lui donne un cadre juridique. La confiance des investisseurs dans la branche augmente.
Bien sûr, il faudra aller plus loin, entrer dans le qualitatif, progresser dans le diagnostic. Dans cette démarche d’expertise, la donnée tient un rôle absolument essentiel.
Sylvain JOANNON
On nous interroge sur le risque de l’accumulation de données. Certes, il faut protéger la donnée, mais aussi garder à l’esprit qu’elle est utile à d’autres professions que la nôtre. Le déchet est un marqueur sociologique. La donnée sur le déchet permet de connaître la population.
Elle pourra nous permettre de mettre en place la redevance incitative ou de mesurer notre empreinte territoriale.
Concernant la mutation de nos métiers, les opérateurs commencent à se positionner, comme on a pu le voir dans tous les films. Nous équipons nos personnels de smartphones, nous repensons aussi par exemple la place géographique, sociale des déchetteries avec les autres acteurs (recycleries, ressourceries). À travers l’échange de données avec les usagers, nous allons susciter de nouvelles activités, en périphérie des nôtres.
François VILLEREZ
Je reviens au partage de données. La nouvelle forme d’économie reconstruit les associations entre agents économiques. Un metteur sur le marché, s’il doit s’interroger sur la recyclabilité de ses produits, va se poser des questions d’éco-conception. Des associations d’intelligence vont se créer entre les acteurs. Il faut que chacun y trouve son intérêt pour que la chaîne de valeur soit économiquement viable.
Or, aujourd’hui, la démarche n’est pas mature et fait encore trop souvent défaut. La clé est l’intérêt économique de chacun.
Sylvain JOANNON
Le schéma ne peut pas être revisité en l’examinant uniquement sous l’angle économique, mais aussi en le comparant aux autres modes de production. Il y a aujourd’hui des incertitudes sur le marché des matières premières. Il faut, pour favoriser la mise en route des économies circulaires durables, des mécaniques d’accompagnement.
Sylvain JOANNON
Certes, la question existe, mais demain verra aussi l’émergence de nouveaux métiers, par exemple pour le compost utilisé dans l’entretien des espaces végétalisés des nouveaux types d’immeubles. Les modes de traitement vont évoluer aussi. Le métier va continuer à se moderniser, comme il l’a toujours fait.
De la salle
Qui sera, avec le numérique, Uber ou l’Airbnb de demain, dans le secteur recyclage ?
Sylvain JOANNON
On a des débuts de réponse. On pourrait parler des applications citoyennes qui aident les gens par exemple à apporter leurs déchets dans les déchetteries, on peut évoquer les recycleries, les repair cafés.
Le problème sera le même que pour les cas d’Uber et autres : disparition d’une activité, et des cotisations sociales afférentes… La question de l’équilibrage devra être posée.
Yves BOURQUARD
Je note que l’ensemble de la population a besoin d’être conseillé individuellement. Le degré de connaissance des populations n’est pas suffisant aujourd’hui.
François VILLEREZ
L’opération de collecte des déchets est de plus en plus sophistiquée, exigeante et réglementée. Je ne vois pas les particuliers se substituer à votre savoir-faire, et dans la volumétrie même si elle évolue.
Elodie JUPIN
Comment, au fond, la donnée numérique peut-elle aider l’économie circulaire ?
En matière de déchets industriels, les données sont aussi un outil, pour les entreprises, permettant de se fixer des objectifs et de contrôler leur réalisation.
Certains projets d’innovation ont une dimension sociétale, liée à l’urbanisation et à la croissance de la population. Nous avons notamment, en tant qu’industriels, l’obligation de proposer pour les bâtiments du futur, des produits peu émissifs, donc pas d’atteinte à la santé, pour notre personnel comme pour les utilisateurs.