n°140 - 11 Juillet 2016
REPERES
Table ronde n°1 : Qualité environnementale et performance des services
Didier COURBOILLET
Président du Syndicat National des Activités du Déchet (SNAD), Vice-président de la FNADE
La gestion des données numériques est une grande évolution de nos métiers. L’usage des « datas » nous permet d’améliorer la performance environnementale mais aussi économique. Par exemple, sur une usine de valorisation énergétique, on peut aujourd’hui de donner en temps réel, des mesures d’émissions atmosphériques.
Dominique MIGNON
Directrice générale d’Éco-mobilier, Animatrice du collectif des éco-organismes
Les éco-organismes se sont développés sur des modèles variés, qu’ils soient contributifs ou opérationnels. L’enjeu, pour les sociétés agréées, est celui de la mise en cohérence de ces données.
Elles font l’objet d’un reporting annuel à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Nous menons actuellement une réflexion avec cette agence pour structurer les informations et générer des données sur la performance pour les opérateurs.
Stéphane BICOCCHI
Président du Syndicat national des bureaux d’études environnement (SN2E)
Avant la loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets, la collecte de données était inexistante. L’on disposait tout juste d’informations sur la quantité de déchets produite.
Avec les travaux de l’ADEME notamment, nous sommes passés à une quantification des moyens de prestation, et à l’établissement de données de performance.
Il devient maintenant possible de mesurer et de comparer les données entre elles, et nos clients en retirent déjà des avantages : meilleure visibilité sur les prestations, nouvelle logique, allant de l’usager au prestataire, passage d’une démarche corrective à une démarche prédictive… Le tout étant facteur d’amélioration de la performance.
Cette abondance de données disponibles se ressent-elle sur les cahiers des charges ? Nous devons trouver l’équilibre entre la demande du maître d’ouvrage, notre conseil et la réalité du terrain. Les discussions entre les acteurs sont à présent nécessaires. La FNADE est un lieu tout indiqué pour cela.
Virginie GATIN
Directrice développement durable et qualité, JC Decaux
La gestion de données numériques permet à notre entreprise de détecter rapidement les pannes du mobilier. Quant aux supports, ils évoluent vers la digitalisation.
La mise en place des supports digitaux dure déjà, chez nous, depuis 10-15 ans, et en demandera encore 10. Concernant la collecte de données sur les déchets, la digitalisation prendra là aussi du temps. Ceci à cause de l’investissement nécessaire, chez nos prestataires, et de notre dispersion géographique.
Nous laisserons toujours une place à l’humain, mais nous sommes impatients de voir cette évolution. Nous avons des obligations réglementaires et des objectifs de recyclage ambitieux. Nous aurons besoin de toute l’implication de nos prestataires.
Didier COURBOILLET
Nous nous trouvons dans une période de transition. Demain, pour les opérateurs, la capacité de donner les informations de manière digitale sera une des clés d’accès au marché.
De la salle (question Internet)
La collecte de données favorise les marchés au résultat, plutôt que les marchés attribués aux moyens. Où en est la filière dans cette évolution ?
Didier COURBOILLET
Nous, opérateurs, voulons pousser à cette tendance vertueuse. Elle est déjà la règle dans d’autres pays européens.
Marc MORTUREUX
Directeur général de la prévention des risques au Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM)
Nous ne sommes encore qu’au début de la révolution numérique.
Les pouvoirs publics imposent la collecte de certaines données. Ceci pour vérifier, par exemple, le respect des objectifs de la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
Nous devons pouvoir interpréter nos données ou les comparer avec d’autres pays européens. Il y a donc des enjeux de méthodologie, d’exploitation, très forts.
Les pouvoirs publics, traditionnellement, collectent beaucoup de données, et les mettent à disposition. Ceci peut aider les acteurs privés à développer des services à valeur ajoutée.
Jean-Luc POLARD
Vice-président de Brest Métropole
Fixer les performances attendues est la première étape. Notre déchetterie a pour objectif de trier au mieux les déchets pour les valoriser. Notre contrat de performance fixe comme objectif de favoriser les flux dits « vertueux », et d’éviter les flux « non vertueux ». Il faut donc mesurer les opérations. Les gains sont partagés à 50/50 entre la collectivité et l’entreprise prestataire, avec des seuils et plafonds raisonnables. Nous avons déjà enregistré des gains financiers, et surtout avec un meilleur tri et une meilleure valorisation. Et le phénomène est appelé à s’amplifier.
Cela exige une bonne gestion des données numériques sur les rotations, mais aussi sur le nombre de visiteurs, les incidents, la géo-localisation des camions, et donne aussi des indications précieuses sur la sécurité du personnel.
Le citoyen, lui aussi, est bénéficiaire : toute augmentation évitée de nos coûts se traduit par des impôts mieux maîtrisés.
Stéphane BICOCCHI
Ce type de contrat de performance est en phase d’expérimentation opérationnelle. Nous les testons dans des démarches plus globales, sur tout un territoire.
Didier COURBOILLET
La commande publique reste encadrée par le code des marchés publics français. Du côté des marchés privés, l’évolution est un peu plus facile à impulser.
Marc MORTUREUX
Les acteurs doivent comprendre que l’optimisation des performances environnementales, de la qualité de services, a aussi des effets économiques positifs. Il y a beaucoup d’avantages à mieux connaître les flux, les gisements.
Au-delà de l’aspect institutionnel, c’est toute une société du partage, d’échanges directs de consommateur à consommateur, qui doit émerger.
La définition même de « déchet » risque d’être bouleversée. L’intermédiation des professionnels en deviendra d’autant plus importante.
L’État ne doit pas bloquer les opportunités, mais fixer des règles pour limiter les situations à risques.
Dominique MIGNON
Avec ce qui a été mis en place avec les opérateurs pour le reporting et la traçabilité, on peut se dire que, dans certains segments très éparpillés, les éco-organismes peuvent jouer un rôle de collecter, vérifier, fiabiliser, ces données et de les consolider pour permettre à l’état d’avoir un vrai pilotage de l’atteinte des objectifs.
Je reviens sur le partage des données. Les opérateurs industriels indiquent manquer de données sur la recyclabilité, l’évolution des produits. Ils demandent aux sociétés agréées de mettre des bases de connaissances à leur disposition.
Dans les prochaines années, nous devrons restituer toutes les données récoltées auprès des opérateurs. Toutes nos données de mise en marché (amont) et de collecte et de valorisation (aval), dès lors qu’elles sont spécifiques à l’entreprise, sont confidentielles. Il faudra bien sûr respecter le secret des affaires, mais nous pourrons partager tout ce qui concerne l’évolution des gisements. À nous d’être inventifs sur les moyens de partage, afin de faciliter ce partage entre les metteurs sur le marché et les opérateurs du recyclage.
Virginie GATIN
La digitalisation entraine aussi la question la fin de vie de ces nouveaux outils, avec beaucoup d’enjeux environnementaux (métaux précieux, terres rares). La question se pose de la maturité des outils actuels pour les traiter, les recycler et de la réponse aux exigences fortes de traçabilité pour ces produits (D3E).
Stéphane BICOCCHI
La mutualisation des données doit-elle être sélective ? Il faudra avant toute chose les harmoniser, et fiabiliser ces informations. Aujourd’hui, nous sommes dans une mutation technologique mais aussi de société. Les générations qui ont été formées aux enjeux environnementaux, ont été aussi formées à l’ère du numérique et souhaitent avoir des informations fiabilisées et précises sur leur geste de tri par exemple.
La demande de données, qui était jusqu’ alors corrective, devient aussi prédictive.
Jean-Luc POLARD
Notre déchetterie est un livre ouvert sur notre politique des déchets. Nous devons exploiter ceci en termes de communication au citoyen.
Notre contrat de performance pose aussi autrement la question du parcours vers l’emploi des personnes, nous avons embauché une personne.
Didier COURBOILLET
La donnée est un élément crucial de l’avenir de nos métiers.
Nous avons fait des progrès sur sa collecte. Nous commençons à l’analyser. Quant au partage, il faudra en discuter. Les éco-organismes pourront être les centralisateurs de cette donnée ; les opérateurs voudraient aussi le devenir. La discussion sera riche, car ceux qui détiendront la donnée maîtriseront leur futur